jeudi 22 juin 2017

Conseils et témoignage de Sophie Bounoure


Extraits du témoignage de Sophie Bounoure dans son ouvrage « Histoire d’une jambe grosse »

    Ce qu’il faut savoir sur le système  lymphatique
Elle   est   si   discrète   qu'elle   n'intéresse   personne.   Son   importance   est longtemps restée méconnue, le corps médical affirmant que son rôle était passif. Grave erreur.

Elle travaille comme une damnée, en étroite collaboration avec quelques six cents  à sept cents  ganglions  répartis  dans  tout le corps,  et de tailles différentes. L'air de rien, son réseau est complexe.

Elle agit tous azimuts : elle draine et détoxifie la plupart des organes. Les graisses du poulet frites du dimanche, elle s'en charge en les transportant, pour les résorber. Même chose avec les hormones à qui elle sert de taxi. En cas de problème infectieux ou lors de la cicatrisation, elle joue les sapeurs pompiers. Les fameux méchants globules blancs, dont le taux fait peur à tout le monde, trouvent en elle un véritable siège social. 

Sa grande cousine, la  circulation   sanguine,   dont  elle  est  inséparable, est  la  première   à reconnaître qu'elle est indispensable à notre corps. Ce système lymphatique est une véritable petite abeille, une vraie fourmi. Elle est partout, et ne ménage pas sa peine.

Il  suffit  de  quelques  ganglions  atrophiés,  dans  le  creux  inguinal  du membre inférieur droit, comme chez moi, et c'est le lymphœdème, à qui on ajoute le qualificatif « primaire » histoire d'enjoliver la « malformation congénitale », cette vilaine formule, bêtement accusatrice vis à vis de vos géniteurs, et propre à faire naître chez celui qui vous regarde un regard concupiscent, voire idiot. 

Il peut se déclarer in utero, à la naissance, à l'adolescence, avant ou  après trente-cinq ans. On  aura compris qu'il se déclare quand il veut, sans que vous l'ayez souhaité. 

Le second type de lymphœdème est, sans surprise, dit « secondaire », car lié à un curage, après un cancer.

A  priori   anodine,   cette   maladie,   en  réalité,   impacte   de  nombreux domaines,  et  est  très  réactive.  En  deux  secondes,  pour  une  quelconque raison, vous pouvez subir une poussée infectieuse, et courir un vrai risque.

Parce qu'elle atteint un membre, demande des soins réguliers, et vous empoisonne la vie, elle est invalidante.

Parce que l’œdème prend ses aises sur la totalité du membre, et prend de l'âge comme vous, elle est évolutive. Vous avez le droit de grimper quatre stades, le dernier étant dénommé Éléphantiasis. Chacun peut aisément imaginer les détails.

Parce qu'un vaisseau lymphatique est aussi fin qu'un cheveu, et que la lymphe  est  directement  liée  au  système  immunitaire,  elle  est  incurable puisque l'éventuelle greffe de ganglions ou la probabilité d'un pontage sont impossibles.

La  seule  solution  pour  freiner  l'évolution,  et  réduire  les  risques  :  se prendre en charge, en espérant que les moyens financiers soient au rendez- vous. Avoir une maladie qui nécessite des soins, des traitements médicaux, et du matériel, a un coût important.

    Principe
Cela n'a l'air de rien mais c'est un critère essentiel. En effet, le principe de la jambe grosse est simple. Plus vous piétinez, plus vous bougez, plus ça gonfle.  Par  conséquent,   vos  déplacements   doivent   être  calculés avec minutie.

    Le kiné
Je n'ai pas toujours eu autant de chance avec mes kinés de vacances, la liste est longue d'essais infructueux, et de mensonges pieux pour éviter le gaspillage de rendez-vous, ou la déprime devant un ratage (…) Dès les trente premières secondes, je vois venir l'échec. J'ai une longue carrière dans le domaine. Je sais ce qu'est un bon drainage pour ma jambe(…)Vingt-cinq années de kiné, c'est vingt-cinq ans de rencontres plus ou moins chanceuses (...).  Je  me  sentirais  trop  seule  sur  ma  planète, comme Robinson Crusoe sur son île, si je devais gérer, et faire face à ma maladie,  sans un lien extérieur,  celui construit  avec ma kiné. 

Certes, j’ai appris, au fur et à mesure, à faire un drainage, je suis devenue ma propre kiné, et une kiné qui ne compte pas son temps. Mais c'est lassant vu le temps que j'y passe, et pénible d'un point de vue physique que d'être pliée en deux pour faire mon drainage (…) Ensuite, ce n'est pas suffisant. Leur geste est complémentaire, car différent.

    Un bon médecin ostéopathe
Après quelques commentaires, il m'invite à m'allonger sur la table de soins. Manipulée avec douceur, je me laisse aller difficilement, mais il est patient, et le lâcher prise finit par arriver. Deux autres séances sont nécessaires. 

Ma jambe grosse est toujours grosse, mais je  constate  des  effets  bénéfiques,  comme  le  ressenti  abdominal,  la circulation et l'adéquation « mentale » entre ma jambe et le reste de mon corps. On peut parler de meilleure circulation d'énergie. 

C'est assez difficile à expliquer, mais j'ai toujours eu conscience d'une sorte de disharmonie entre ma jambe, et le reste de mon corps. Le fait de sentir, à nouveau, cette unité améliore la circulation.
    
    Le médecin généraliste
Reste l'incontournable médecin généraliste, l'accompagnateur fidèle qui agit, si besoin est, même s'il écoute d'une oreille trop distraite parce qu'il manque de temps (…) il fait ce qu'il doit faire. 

Me donner les médicaments indiqués pour une crise d'érysipèle, une ordonnance pour les bas, les drainages chez la kiné, un arrêt maladie si nécessaire.(…) 

Pas facile de  trouver un  généraliste qui  prend un  peu  de  temps pour vous écouter, et vous entendre ! Ce que je souhaite surtout, c’est réserver la consultation des médecins aux seuls cas d’urgence. Je n'apprends rien de plus sur ma maladie auprès d'eux, et l'énergie qui me guide, je la trouve au fond de moi
    
    Phytothérapie
(Il) s'ingénie à me concocter un traitement homéopathique destiné à purifier, éliminer, faire circuler, et vider tout ce qui peut, selon lui, faire obstacle. Je ne sais plus où donner de la tête entre l'artichaut, le cassis, le chardon-marie, le desmodium, le chrystantellum, et autres plantes parfaitement inconnues. 

J'en avale environ quinze chaque matin, et quinze chaque soir. Il y croit dur comme fer, alors que je suis plus sceptique. Les mois s'écoulent, ma jambe dégonfle peu  à  peu.  

Disons qu'elle retrouve une  forme humaine. Je  la mesure régulièrement, je bois presque deux litres d'eau par jour, et je viens en drainage deux à trois fois par semaine. Il a confiance dans son action, c’est une source de motivation énorme. Je continue à avaler mes dizaines de gélules par jour, en y croyant, chaque jour, un peu plus. 

Homéopathie 
Je me suis tournée, depuis longtemps,  vers l'homéopathie qui donne de bons résultats. Elle ne guérit pas, mais elle soigne,  en complétant  les autres soins de façon douce. Matin, midi et soir, je consomme granules, doses et plantes fraîches. Il en existe une multitude pour la circulation, la peau, contre l’œdème, et les problèmes infectieux

Il suffit d’alterner afin de ne pas en altérer les effets. Là aussi, c’est un investissement. Au fur et à mesure des années, ce protocole homéopathique a complété ma gestion de la maladie, et peut-être contribué au ralentissement de son évolution.

    Voyage par l’Euro tunnel : danger
Au retour de Londres par l'Euro tunnel, en une nuit, sans que je ressente le moindre symptôme, ma jambe devient énorme, elle double ses dimensions, certainement à cause des vingt minutes de pression au milieu de la Manche.

    La discipline du coucher et du lever
C'est une aliénation totale à des soins que vous devez à vous-même, une discipline à laquelle vous ne pouvez échapper, un peu comme si vous rentriez dans les ordres () Toute velléité de paresse se traduisant par des effets néfastes, le moindre retard rallonge la durée du soin suivant.

Premier geste du matin : baisser mon lit électrique.  Je choisis mon inclinaison en fonction de l'état de ma jambe. Les bons jours, la pente est douce, c'est la fête. Les mauvais jours, mon lit devient la rampe de lancement d'une fusée, je suis condamnée à dormir sur le dos. 

Au début, il a été difficile de trouver le sommeil dans cette seule position, puis, à force de concentration et de lâcher prise, j'ai appris à m'endormir ainsi. L'important est de ne pas s'énerver, et de penser à une chose agréable, la journée qui vient de s'écouler, un projet, un livre, un film, mon jardin, pour noyer mon esprit dans un océan de bien-être. 

Regarder le plafond, sans pouvoir me tourner, ne fait pas partie des positions les plus relaxantes, on se croit très vite à l'hôpital. Quand je sens l'agacement me gagner, je me concentre sur l'objet de satisfaction que mes pensées me procurent. Question d'habitude, et de motivation

Cette semi verticalité me permet de vider mes ganglions, et m'assure une jambe bien drainée le matin. J'en profite pour pomper mes ganglions inguinaux et abdominaux, à condition de ne pas trop pomper, l'excès étant mauvais pour les ganglions eux-mêmes. Seul inconvénient : la fatigue. 

Dormir dans la même position une nuit entière, et vider mes ganglions aussi longtemps ne sont pas des activités de tout repos.
(…). Bonne élève toutes ces années durant, je m'arroge le droit à une indiscipline  raisonnable   puisque  je  reviens  toujours  à  une  inclinaison minimale (…) Ma crise d'adolescence ne dure guère plus d'une ou deux nuits. Ma sagesse et mon autodiscipline reprennent toujours le dessus, au moins dans ce domaine-là.

    L’eau
Procédure suivante : l'eau froide et le bas de contention. Incontournables. (…) Je passe le jet, plusieurs fois, le matin et le soir au coucher, et lorsque la chaleur est trop forte, je laisse mes jambes dans un petit  bain  d'eau  froide  un   bon  quart  d'heure.  Une  thalassothérapie improvisée, une vraie solution pour ramollir, et dégonfler l'œdème tant que l'eau est froide.

Mais le bonheur ultime, c'est le bain de mer. Quel endroit mieux que la Bretagne pour cela ? Ici, on ne risque ni canicule ni eau chaude. Je marche dans l'eau de mer, et, mis à part l'hiver,  j'essaie  de me baigner  en toute saison.  L'eau  varie  de  douze  degrés  à  vingt  et  un  degrés,  vingt-deux maximum les années rarissimes de grande chaleur. C'est un vrai moyen d'associer le plaisir et la maladie, deux réalités, a posteriori, antagonistes. Ces bains bretons sont un complément extraordinaire.

L'eau est parfois si fraîche, il faut bien l'avouer, que ma jambe devient mince à l'échelle du lymphœdème.

Elle redevient magnifique. Cette maladie aime l'eau, sous forme de bain ou de bouteille, à raison de un litre et demi par jour. L'eau a une vertu drainante et purifiante exceptionnelle. 

Le froid a un effet de compression sans nul autre pareil, et c'est une décharge d’endorphines, et de sérotonine, suffisante pour me sentir bien.

    Le bas de contention
Après  l'eau  salvatrice,  le  rituel  du  bas  auquel,  hélas,  je  ne  peux  me dérober. Ce truc est une vraie plaie existentielle. Je dois l'enfiler le plus rapidement possible si je veux garder le bénéfice de la nuit, du soin ou de l'eau (…) J

e le porte du matin au soir, trois cent soixante-cinq jours par an, sans un seul moment  de relâche (…)  La compression exercée par la contention élevée est désagréable, le coton épais enserre la jambe, la boudine, et donne très chaud au printemps, et en été. D'où les heures passées dans l'eau de mer (…) 

Les mettre exige une certaine souplesse du corps, une bonne respiration, et une grande motivation. Elle ne me fait pas défaut, car il est évident que je ne peux plus me passer de cette contention 4. Depuis bien longtemps, je ne fais plus de chichis pour les porter.

Le bas anglais
(…) j'ai découvert son cousin, un matériel miraculeux, au « look » singulier, il y a un peu plus d'un an, grâce à ma kiné. (…) il est indescriptible, mais l'essentiel  est  qu'il  soit  d'une  redoutable  efficacité.  Mis  à  part  l'effet matelassé de la jambe, qui en surprend plus d'un, l’œdème est souple, et le gonflement  très  limité.  

L'idéal  serait  de  le  porter  toute  la  journée,  mais compte tenu de son aspect et de son épaisseur, cela fait partie du domaine de l'impossible. Les alvéoles contenues à l'intérieur du collant, la couleur et la matière de l'enveloppe donnent à celui-ci un volume important, et une allure spéciale. Un astronaute pourrait trouver cet équipement familier, et être, pourquoi  pas,  attiré  par  son  port,  mais  je  ne  vois  pas  d'autre  candidat potentiel (…) Il n'en demeure pas moins qu'il est l'arme idéale contre le lymphœdème. Le jet d'eau froide passé, je saute dedans avec plaisir. Avant, je n'avais que des bas de contention classiques. Après une heure passée à me préparer, mon crédit était déjà entamé. 

Le bénéfice de la nuit était consommé, ma jambe commençait à gonfler et durcir. Le processus était inévitable, à moins de  rester  au  lit,  puisque  c'est  une  maladie  faite  pour  les  paresseux. 

Désormais, ma jambe est parfaite jusqu'à la fin du petit déjeuner, au moment où je le quitte pour mon bas de mémé. Cerise sur le gâteau, je le saucissonne dans un bandage magique supplémentaire. 

    La procédure quotidienne
Chaque matin, mon but est clair : gonfler le moins possible ou le moins vite possible. Pour cela, je dois être debout le moins possible, et être assise le moins longtemps possible… après trois ou quatre heures de travail, malgré les efforts consentis pour limiter la station debout, ma jambe est dure, et lourde comme un rondin de bois, le galbe a disparu, le genou ressemble à un ballon de foot, et les trajets lymphatiques ainsi que les ganglions lymphatiques sont surchargés. 

Pas de panique, j'y suis habituée, et même si, de temps en temps, j'angoisse un peu ou je deviens irritable, je me raisonne. Je sais que je dois rentrer à la maison dès que possible. Après avoir réglé les affaires courantes, en milieu de journée, je dois faire un premier soin

C'est une nécessité absolue.  Afin  de  favoriser  le drainage,  je replonge  ma  jambe  dans  mon collant spatial, pour déjeuner(...) Puis je m'allonge, pour une bonne heure de soin, quand mon emploi du temps le permet. 

Je refais les mêmes gestes : appel des ganglions inguinaux et abdominaux, cuisse, genou, mollet, cheville, et pied. Grâce à ce soin de demi-journée, l'œdème est sous contrôle, la jambe plus molle. J'en profite pour pratiquer mon anglais, en regardant les chaînes anglaises. 

L'idée est de transformer le temps passé à l'horizontale, en loisir, en d’autres termes, en temps bénéfique. Je fais une foule de choses dans cette position, je ne m'ennuie jamais. Je rentabilise mon temps de soin, en le doublant d'une autre activité.

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